Jamais depuis 1952 la France n’a produit autant de films. 
Pourtant, le système souffre économiquement et même, pour certains, artistiquement.
Alors que s’ouvre mardi la 69e édition du Festival de Cannes, le cinéma français est, en coulisse, en plein questionnement. Ce n’est certes pas l’intensité de la crise ouverte provoquée, en 2013, par la sortie du producteur Vincent Maraval à propos des cachets des stars. Certaines données récentes sont en outre plutôt favorables, comme le fait que la barre des 200 millions de billets vendus a encore été dépassée en 2015, notamment grâce aux jeunes. Cependant, à un moment économiquement délicat pour la filière, le record de production de films français dévoilé par le Centre national du cinéma (CNC) le mois dernier a plus provoqué un vrai malaise que des applaudissements unanimes.
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Selon les calculs du CNC, ce sont ainsi pas moins de 234 films d’initiative française qui ont été fabriqués l’an dernier, soit 31 de plus qu’en 2014. C’est un record depuis 1952, date de début de la collecte de ces données pour les films agréés par le CNC.
Or, dans le même temps, les entrées de films français ne suivent pas. Elles se sont certes ressaisies à partir des années 2000. Mais, à 72,9 millions l’an dernier, elles sont loin de leur pic de 1957 (205,9 millions). La part de marché des films français se situe à 34 % contre 45 % dans les années 1980 avec deux fois moins de films.
Faible rentabilité
Ce décalage soulève d’abord le problème de l’engorgement dans les salles. « Il sort 15 films par semaine depuis le début de l’année, c’est ingérable « , dit le producteur Marin Karmitz, patron de MK2. Alors que les blockbusters américains ont toujours beaucoup de succès, une discussion tendue est en cours au sein des Assises du cinéma organisées par le CNC à propos de l’exposition des oeuvres françaises, les producteurs et distributeurs indépendants demandant de meilleures conditions aux exploitants de salles.
Cette difficulté à faire exister les oeuvres en salle ne peut qu’accentuer le problème du financement de cette filière. Peu d’études calculent la rentabilité du cinéma français en intégrant ce qu’il rapporte aux chaînes de télévision, par rapport à ce qu’elles investissent et qui représente entre le tiers et la moitié des budgets totaux. Olivier Bomsel, des Mines, l’avait fait en 2008 et avait calculé que le déficit du cinéma français était d’au moins 36 % des sommes engagées. Il pense que la situation a empiré (voir ci-dessous). Le cinéma français est certes financé par une ponction sur tous les billets vendus, y compris ceux des films américains. Mais le budget du CNC dépend surtout des taxes sur les fournisseurs d’accès à Internet et sur les chaînes de télévision. Ces dernières ont aussi de lourdes obligations de financement. La légitimité du système peut pâtir un jour d’un trop grand déficit.
Certes, pour Charles Gillibert, le producteur de « Mustang », succès auprès de la critique et du public, produire un grand nombre de films favorise la créativité et la diversité. « Le CNC a soutenu 55 films à Cannes cette année, ce qui marque une nouvelle fois la pertinence du système », se réjouit de son côté Frédérique Bredin, présidente du CNC. Mais d’autres questionnent le système même sur ce critère. « Le fond du problème est la qualité de la production, plus que la quantité, estime Marin Karmitz. Non seulement les films commerciaux ne sont pas assez bons pour remplir leurs objectifs de succès, mais les films d’auteurs ne sont pas non plus à la hauteur sur le plan artistique. » Pour ce ponte du cinéma, il faut corriger le tir si on veut «  sauver ce système de financement hexagonal extraordinaire et envié partout dans le monde « .

 

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